INTERVIEW N°1

d’Hélène Morvan, professeure et artiste de yoga Yinyasa & Tiphaine Fontaine, naturopathe et Heilpraktiker spécialisée dans les troubles féminins.
« C’est par la respiration que l’on prend conscience de son intérieur et lui donne vie. Le souffle est l’élément qui masse l’intérieur du corps, l’assouplit et le vivifie. »
E. Stacke, Les vertus de la respiration – Cultivez vitalité et sérénité

Avec environ 13 respirations par minute, nous sommes des êtres aérobies. La respiration correspond à l’inspiration suivie d’une rétention avant l’expiration. Lors de l’inspiration, nous contractons muscles du cou, cage thoracique, diaphragme, abdomen, les côtes s’écartent pour faciliter l’entrée d’un maximum d’oxygène. Lors de l’expiration, c’est le relâchement de toute cette pression, nous rejetons du dioxyde de carbone. Ahhhhhhhhhhh…

Les voies respiratoires (nez, pharynx) sont des chauffages naturels car elles permettent d’amener l’air à 37°C lorsqu’il arrive aux poumons. Ces derniers doivent absolument absolument stériles. Pour cela, la nature a prévu de leur donner un rôle de filtre, aptes à éliminer des poussières et éléments pathogènes.

Les bénéfices du Yoga sur l’organisme sont nombreux. La naturopathie reconnait le Yoga. Nous allons au travers de différents interviews, développer la question.


Hélène, par le prisme du yoga, que peux-tu nous dire sur la respiration?
Je suis toujours très amusée lorsque de nouvelles personnes viennent pour la première fois à une classe de yoga. Je les vois arriver, timides pour certains, motivés pour d’autres, tous curieux de découvrir un nouvel univers mais désolés… oui désolés, car ils ne sont pas assez ‘souples’ !
Contrairement aux idées reçues, il n’est absolument pas nécessaire d’être flexibles pour pratiquer le Yoga. En fait, le Yoga est fait pour tous, quelque soit votre taille, votre poids, votre flexibilité, votre genre… Le seul et unique prérequis est LA RESPIRATION. Et ce prérequis-là, nous l’avons tous !

En Yoga, le souffle est primordial, il s’appelle PRANAYAMA. Selon le Hatha Yoga Pradipika (texte classique dédié au Hatha Yoga),                                         « Tant que le souffle demeure dans le corps, il y a Vie. Quand le
souffle s’en va, la vie s’en va aussi. C’est pourquoi, l’on doit discipliner le souffle. ».

Qu’est-ce que le « Pranayama », Hélène ?
Si l’on se penche sur l’étymologie, le mot Pranayama est constitué du mot Prana et du mot Ayama.
Malgré sa grande sagesse et sa pleine connaissance du Yoga B.K.S Iyengar a dit un jour, qu’il était aussi difficile d’expliquer Prana que d’expliquer Dieu!
On traduit souvent le mot Prana comme étant le souffle ou la respiration. Mais le Prana est tellement plus ! Il est l’Energie Vitale de chaque être : une énergie physique, mentale, intellectuelle, sexuelle, spirituelle, cosmique…
Ayama, de son côté, signifie étirement, expansion, contrôle.

Le Pranayama est donc un Art qui permet ‘l’admission et l’évacuation contrôlées du souffle dans une posture fermement établie.’ (Patanjali)

Le Pranayama consiste en une suite :
– D’inspirations (PURUKA) qui stimulent l’organisme
– D’expirations (RECHAKA) qui rejettent l’air et les toxines
– De rétentions (KHUMBAKA) qui distribuent l’énergie. On différencie les rétentions poumons plein (ANTHARA KHUMBAKA), des rétentions poumons vides (BAHYA KHUMBAKA).

Dans l’inspiration, le souffle de vie est aspiré aussi soigneusement que pourrait être humé le parfum d’une fleur. Dans l’expiration, le cerveau s’apaise et devient silencieux, c’est l’abandon de l’Ego. La rétention, elle, est le silence au plan physique, moral, mental et spirituel.

Vous l’aurez bien compris, le Pranayama est bien plus que la circulation du souffle, c’est aussi une circulation de l’énergie au travers de nos Nadis (canaux énergétiques.)


Tiphaine, peux-tu nous parler d’acidose tissulaire ?
En naturopathie, le terme « acidose tissulaire » est précisément utilisé car ce sont les tissus qui amassent et gèrent l’acidité pour éviter au sang de modifier de son pH.
Il est essentiel pour chaque organe de maintenir un pH adapté à son milieu. Le sang doit se situer entre 7,32 et 7,42 (sans quoi, risque de mort immédiate), l’estomac en moyenne à 2, l’intestin grêle à 6, la salive à 6,5, les urines entre 6,8 et 7 en première urine du matin et 7,5 après. Bref, vous lisez donc que les pH varient. L’acidité entrante dite exogène est provoquée par une liste bien longue : protéines animales, fromages, graisses saturées (animales, végétales raffinées ou hydrogénées), céréales, légumineuses, sucre raffiné et blanc, sucreries, sodas, café, thé, alcool, tabac, aliments
acides (fruits et jus de fruits acides, tomate, choucroute, vinaigre…), stress (car capteur de magnésium), intolérances alimentaires, suralimentation, grignotage, sédentarité, manque d’élimination et, beaucoup de médicaments.
Je comprends tout à fait Hélène lorsqu’elle explique que la respiration ou Pranayama est plus que la circulation du souffle, elle est en effet une circulation de l’énergie mais aussi une nécessité pour l’organisme de se nettoyer.

Nous possédons 2 organes majeurs dans la régulation de l’acidité tissulaire : les poumons et les reins. Les reins vont prendre en charge les acides dits forts non volatiles traités par le foie puis éliminés. C’est un long processus journalier qui s’effectue généralement pendant la nuit – d’où la couleur foncée des urines le matin. En effet, les acides sont gélifiés dans la structure
mésenchymateuse pendant la journée puis libérés dans la circulation suite au travail du foie mais aussi après avoir été tamponnés par les réserves alcalines (magnésium, bicarbonates…) et enfin amenés aux reins pour être éliminés. Notez que les protéines animales font partie des acides forts, dont l’acide sulfurique et urique qui amène à la goutte en cas de terrain propice et de surconsommation de protéines animales.

Les poumons quant à eux, gèrent les acides faibles dits volatiles, principalement présents dans les protéines végétales. Ces acides vont être éliminés dans la journée si et seulement si votre respiration n’est pas bloquée ou amenuie et que vous sortez au grand air pour « have a deep
breath ».

Aussi, si l’acidose tissulaire est créée par une insuffisance rénale ou des reins qui ont du mal à fonctionner (comme cela peut être le cas pour les personnes qui font infections sur infections), ce sont les poumons qui vont prendre le relais en créant une rétention et une hyperventilation pulmonaire. A l’inverse, si les poumons ont du mal à tourner convenablement, c’est l’acidité urinaire qui va augmenter. Le corps est merveilleusement bien conçu, n’est-ce pas ?

Enfin, en cas d’acidose tissulaire, un nombre considérable de systèmes vont venir réguler l’organisme. C’est le cas du plasma qui sert de tampon avec l’hémoglobine, les protéines plasmatiques et les sels minéraux. Mais aussi, le mésenchyme qui est la grande éponge pour le maintien du pH que j’ai évoquée plus haut, les tampons osseux plutôt lents avec les os et les dents
qui vont se déminéraliser petit à petit, et les glandes endocrines (parathormones, surrénales, thyroïde). Toutes les bases (alcalines) vont être demandées pour tamponner l’acidité dans le sang car je le répète le pH ne doit pas varier. Ce sont donc les tissus qui vont emmagasiner les acides et
les larguer comme ils le peuvent. Dernière information importante, l’acidité du pH7 est de zéro, celle de pH6 est de 10. A chaque fois que l’on descend d’un étage, on multiplie par 10. Ce qui veut dire que pH1 est 1 million de fois plus acide que pH7. Le Coca-Cola se situe à pH2,36… Je vous laisse imaginer votre corps qui reçoit 100 000 fois plus d’acidité qu’avec de l’eau. Il n’y a pas de fumée sans feu. L’excès d’acidité va produire ce que l’on appelle en naturopathie, les cristaux. Les cristaux sont à l’origine de toutes les pathologies en -ite. Ils font mal et doivent absolument être dissous. Bien respirer est une base essentielle en naturopathie, vous l’aurez compris.


Quels sont les bienfaits du Pranayama ?
Les effets bénéfiques du Pranayama sont nombreux.

Au niveau du corps :

  • élimination des toxines,
  • rajeunissement des tissus,
  • favorisation du processus de guérison,
  • détente des tensions corporelles,
  • modification chimique de notre corps.

Au niveau émotionnel :

  • apaisement du système nerveux,
  • équilibre des énergies psychiques,
  • meilleur équilibre corps/émotions.

Au niveau cérébral :

  • apaisement et clarté du mental ,
  • discernement favorisé, équilibre entre les deux hémisphères du cerveau,
  • flux sanguin augmenté donc cerveau mieux oxygéné.

On a autant besoin des Asanas (postures) que du Pranayama. Le Pranayama est une pratique à part entière qui demande beaucoup de discipline et de concentration. Dès les premiers souffles conscients, le yogi ressent une différence dans son corps, dans son esprit, dans son cœur… Et un
acte automatique sans saveur devient alors un présent empreint d’amour…

Rappelez-vous, le Yoga n’a pas de vie sans Pranayama ! On parle de souffle de vie, n’est-ce pas ?
Qu’attendons-nous pour apprendre à respirer ?